La pauvreté n’est pas une fatalité
Discours de Daniel Marineau pour le lancement de la marche de la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté à Montréal.
La première journée mondiale comme aujourd’hui a eu lieu il y a 36 ans, un 17 octobre. Cette journée est née suite aux trente ans d’engagement du Mouvement ATD Quart Monde avec des personnes qui vivaient des situations de pauvreté et de misère. Et agir avec les plus pauvres a fait naître une conviction, la pauvreté n’est pas une fatalité. La pauvreté est le résultat de décisions et d’actions humaines. Alors, nous, les humains, nous pouvons la détruire. Ce n’est pas une fatalité.
Quand je dis que la pauvreté n’est pas une fatalité, je dis que
ce n’est pas le Saint-Esprit qui décide le prix des loyers,
ce n’est pas le diable qui impose les taux d’intérêt,
ce n’est pas Gaya la Terre qui place ses richesses dans des abris et des paradis fiscaux,
ce n’est pas le destin qui impose que les aliments mauvais pour la santé soient ceux qui coûtent le moins cher.
Ce sont des humains.
Des hommes et des femmes négocient des denrées essentielles à la bourse.
Des hommes et des femmes négocient des droits de polluer des quartiers et des villes.
Des personnes érigent des règles administratives qui disqualifient des hommes et des femmes qui ont besoin des services de solidarité.
Des hommes et des femmes déterminent des frontières et rejettent d’autres hommes et d’autres femmes pour la seule raison qu’ils et elles ne sont pas nés à la bonne place, alors qu’ils et elles fuient l’extrême pauvreté.
Malgré toutes ces violations des droits humains, les humains qui vivent dans la pauvreté se lèvent chaque jour, malgré les violences et les humiliations pour vivre comme des personnes. Combien de mamans et de papas à qui on a enlevé leurs enfants – pas parce qu’ils étaient battus ou maltraités, non, parce que leurs parents sont pauvres – combien de ces mamans et de ces papas mettent des efforts pour avoir le droit de visiter leurs enfants? Ils affrontent les regards et les jugements, ils refusent d’être disqualifiés, et comme les humains qu’ils et elles sont, ils et elles aiment leurs enfants.
Combien de personnes font du bénévolat, parce qu’aucun employeur ne retient leur candidature? Elles refusent d’abandonner une vie active, car elles peuvent faire valoir leur dignité.
Combien de monde se débrouille avec des petits coups de main offerts à gauche et à droite, en ramassant et en triant ce que d’autres mondes jettent aux poubelles, en cherchant les sources de solidarité?
À Montréal, ils sont des milliers. Sur la planète, ils sont des milliards. Nous sommes des milliards d’humains. Le 17 octobre est le jour pour leur donner une voix, pour que la société puisse entendre leurs témoignages, leurs courage.
C’est pourquoi, nous, travailleuses et travailleurs du communautaire, nous, employés de la fonction publique, en santé, en éducation, etc, nous, personnes avec l’expérience de la pauvreté, nous, humains à part entière :
Nous rendons hommage aux victimes de la faim, de l’ignorance et de la violence. Nous affirmons notre conviction que la pauvreté n’est pas une fatalité. Nous proclamons notre solidarité avec ceux et celles qui luttent à travers le monde pour la détruire.
Là où des hommes et des femmes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits humains sont violés. Nous unir pour les faire respecter est un devoir sacré.
Aujourd’hui, nous allons marcher « Ensemble contre la pauvreté ». Nous allons marcher et faire des arrêts à des lieux significatifs dans la résistance à la pauvreté. De tout temps, on tait la
pauvreté, les sociétés disent aux plus pauvres: « Taisez-vous! » Je sais que c’est dure de dire nos pauvretés. Il y a des combats à la mode. Mais la pauvreté ne passe jamais. Si nous ne la disons pas, elle demeurera invisible.
Alors marchons « Ensemble contre la pauvreté »!