Les aînés et la pauvreté
Entrevue avec Daniel Marineau par La Parole des Aînés
La Parole des Aînés a rencontré Daniel Marineau, responsable national, ATD Quart Monde, ‘Agir Tous pour la Dignité, pour qu’il témoigne de quelques situations de pauvreté vécues par des aînés dans nos quartiers montréalais.
(N.B. : *Les noms de personnes ont été changés.)
Cet article a été publié dans la Revue Parole des Aînés AQDR de l’Édition de septembre 2021.
DM : ATD Quart Monde a fait une recherche internationale avec des chercheurs, des intervenants communautaires et des personnes en situation de pauvreté pour identifier les dimensions de la pauvreté qui se confirment tant dans les pays du Sud et du Nord. Chez les ainés, je constate plusieurs de ces dimensions identifiées. Mais au cours de la recherche, les chercheurs qui ont l’expérience de la pauvreté ont tenu à inscrire une dimension qui qualifie les situations de pauvreté comme ‘Combat et résistance’. Ce n’est pas une dimension de militantisme ou d’engagement politique, mais plutôt la description de l’effort quotidien et continu pour survivre et la lutte contre les effets des nombreuses formes de souffrance que cause la pauvreté.
Francine* en est fière, elle s’est démenée toute sa vie. Elle a enduré du mépris d’employeurs et des services sociaux, mais elle tient bon, et encore aujourd’hui. Même si son fils réussit bien dans la vie, elle subit encore les contraintes matérielles de la pauvreté. Elle a suffisamment de santé pour participer à des organismes de lutte contre la pauvreté. Pierre-Paul* n’a jamais eu la santé pour travailler. Il a toujours cherché les astuces et les lieux pour trouver où bien manger en situation de pauvreté. À son âge sage, il a toujours la même débrouillardise pour aller d’un Chic resto pop à un Comité Social, mais avec une mobilité qui diminue. Yvonne* a fait tant et tant d’efforts pour garder ses enfants, les élever elle-même et en plus pour lever sa voix pour les autres, souvent plus pauvres qu’elle. Aujourd’hui ainée, comme Francine et Pierre-Paul, elle cumule les effets d’une autre dimension de la pauvreté : la souffrance dans le corps, l’esprit et le cœur. Son corps la fait souffrir, depuis longtemps avant d’être comptée comme ainée. Mais elle souffre aussi de voir ses enfants se retrouver dans ce combat et cette résistance tout en jonglant avec des problèmes de santé mentale. Elle souffre de manquer de moyens et de forces physiques pour les soutenir, les soulager.
Tous les ainés que je côtoie admettent obtenir un petit soulagement financier quand arrive la pension de la vieillesse avec le supplément de revenu garanti. Louiselle* m’a dit : « je pars à ma retraite! », même si ce n’est que symbolique. Il reste que les autres dimensions de la pauvreté sont présentes, et leur empreinte est profondément inscrite en eux.
PdA : Merci beaucoup Daniel. Peux-tu nous dire un mot de la mission ATD.
DM : ATD est l’acronyme de Agir Tous pour la Dignité, donc nous combattons la pauvreté par des actions qui mettent en valeur la dignité humaine de chacun. Nous avons des actions qui permettent des partages de savoirs et facilitent la participation citoyenne. https://www.atdquartmonde.ca/
PdA : La Journée mondiale du refus de la misère, le 17 octobre, est célébrée depuis 1992 par ATD Quart Monde. Elle a connu un grand retentissement à Ahuntsic en 2003 et 2013. En poursuivant cette mobilisation locale, nous pourrions lancer un appel pour le 17 octobre 2023. Qu’en penses-tu?
DM : Bonne idée! On peut trouver plus d’informations sur cette journée au https://refuserlamisere.org
Propos recueillis par François Godbout, Membre de l’AQDR/ASTL