Pour un développement de liens durables

Face à une crise environnementale que le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies défini comme étant  » la menace existentielle de notre temps  », quelle place faisons-nous à l’expérience et à l’intelligence des personnes qui vivent la pauvreté?

Les militant.e.s d’ATD Quart Monde du Québec se sont rassemblés à deux reprises par téléphone pour réfléchir au thème de cette édition 2020 de la Journée mondiale du refus de la misère : agir ensemble pour gagner la justice sociale et environnementale pour tous.

Déconfiner la pensée

Les réunions téléphoniques, initiées lors du premier confinement au printemps dernier, ont repris de plus belle cet automne. 

Hugues Mailloux nous rappelle l’importance d’être en lien. « Certaines personnes n’ont pas la chance d’être en contact avec le monde extérieur. Elles sont coupées du monde, et ça me blesse. »

Si briser l’isolement figure parmi les objectifs, ces réunions cherchent également à recueillir la pensée des personnes en situation de pauvreté sur des enjeux de société qui nous concernent toutes et tous. Salah Farhat nous dit : « Partager notre avis avec d’autres personnes, ça ouvre l’esprit. Ça nous sort du confinement. »

Exploitation des ressources

La première partie de notre réunion s’appuyait sur un extrait de texte rédigé par ATD Quart Monde.

Nos sociétés traitent la nature de la même façon qu’elles traitent leurs membres les plus pauvres. Ces derniers·ères sont exploité·e·s depuis des générations. Leur force de travail est mise aux poubelles quand elle n’est plus nécessaire, sans compter le fait qu’elles sont souvent considérées comme complètement inutiles et négligeables par nos sociétés.

Alain-Antoine Courchesne fait le parallèle avec le personnel médical. « Au niveau du système de santé, il y a vraiment une exploitation extrême des ressources humaines. Les ressources sont jetables et pensées comme inépuisables. »

Pierre Chaput réfléchit la situation en terme de production : « Les pauvres comme la nature dans notre société ont une fonction : produire. S’ils ne produisent plus, ils sont mis de côté, on s’en occupe plus. »

Cathy Bastien reconnaît cette dynamique d’exploitation dans une situation bien réelle de notre société. « Je connais quelqu’un qui peut vraiment pas travailler. L’aide sociale lui coupe l’argent parce qu’elle n’a pas de papier du médecin. Elle n’est pas capable de se défendre. On la prive de ses droits, c’est une forme d’exploitation. »

Mettre la vie au centre

La deuxième partie de la réunion abordait les gestes posés par les personnes qui ont une vie difficile pour changer les choses. Nous avons réfléchit à partir de cette citation des militants d’Amérique latine, qui figure dans la vidéo commémorative de l’ONU :

Lorsque nous offrons un litre de lait ou un légume de nos récoltes à nos voisins, nous le faisons parce que nous savons que nous vivons bien lorsque nous partageons. En partageant nous mettons la vie au centre: non pas la vie de l’un ou de l’autre, mais la vie dans son ensemble.

Cette idée de mettre la vie au centre, pour Gaëtane Guenette, c’est avoir l’humain à cœur. « C’est faire prendre conscience à l’autre qu’il est plus grand que ce qu’il croit. Quand tu vis dans la pauvreté, tu te dis  » je ne suis rien  ». Mais tu es plus grand que l’épreuve que tu vis. Parce que tu vas la traverser, ton épreuve. C’est ça, avoir l’humain à cœur. »

Yvette Bélanger ajoute : « C’est pas possible de fonctionner tout seul dans la société. On est responsable de l’autre qu’on laisse de côté. Faut prendre le temps et avancer avec l’autre. Ensemble, c’est possible. »

Partager pour vivre bien

Micheline Ciarlo relie le témoignage de solidarité des militants d’Amérique latine à sa propre expérience. « J’ai eu la chance d’avoir la solidarité d’un ami pour avoir un logement plus économique. Maintenant, je l’aide pour faire son ménage. Il me remercie quand j’ai fini. Je me sens respectée. »

Céline Ménard aussi : « Si je fais des muffins, je vais aller en donner à mes voisins. Leur sourire fait ma journée. Je me sens bien parce que j’ai fait du bien à quelqu’un. »

Des liens durables

En terminant, Frédéric Mailhot-Houde nous rappelle que « nous sommes riches de ce que nous donnons. La solidarité nous fait forger des liens durables et reconnaître les autres dans leurs capacités et leurs talents. »

La présente crise — sanitaire, environnementale, sociale — nous fragilise à de multiples égard. En écoutant la parole des personnes fragilisées par la pauvreté, nous pouvons entendre la nécessité de développer des liens durables, et ce, non seulement entre nous mais avec l’ensemble du vivant.