Combattre la pauvreté avec les plus pauvres et gagner la joie.

 

Par Frédérique Pasturel,
alliée du mouvement ATD quart monde.

70 personnes ont assistés à la conférence de Jean Bédard le 10 octobre dernier au Centre justice et foi, 25 rue Jarry O, Montréal.

Combattre la pauvreté avec les plus pauvres et gagner la joie.

Dans cette année anniversaire pour le mouvement ATD Quart Monde, et pour inaugurer cette semaine exceptionnelle de la Journée Mondiale de Refus de la Misère 2017 à Montréal, Jean Bédard donnait hier soir une conférence sur ce thème.

Philosophe, enseignant en travail social et écologiste engagé dans la création d’un nouveau lien de vie avec la nature, Jean Bédard a participé en Juin dernier au colloque international de Cerisy (France), durant lequel une cinquantaine de personnes de divers pays se sont retrouvées pour approfondir leur réflexion sur l’actualité de la pensée de Joseph Wrésinski, fondateur du mouvement.

Le combat du mouvement :  « que l’humanité retrouve sa dignité, car quelle dignité a une famille si les uns s’épuisaient en banquet alors que d’autres mouraient de faim ? Les pauvres n’ont pas perdu leur dignité mais l’humanité qui les laisse à l’abandon. »

Cela se décline donc en définissant d’abord ce qu’est la pauvreté, cette dépendance à l’air pur, à l’eau potable, à la nourriture en suffisance, à la fertilité des sols, à une éducation minimale , à une solidarité de base que tout pauvre expérimente en négatif.

Le plus petit incident à l’échelle de la planète, en mettant en péril de fragiles équilibres, peut donc nous ramener à notre pauvreté originelle dont nos fausses sécurités ne nous préservent pas.

Ce qui provoque la pauvreté, c’est le fait que les pauvres soient rejetés. Le type de civilisation sophistiquée que nous avons crée est basée sur la domination, de la nature, des femmes, l’exploitation du travail des autres, la colonisation économique et l’expansion d’une culture qui écrase les autres. Or ceux qui en sont exclus sont ceux qui pourraient améliorer le monde car les plus démunis n’ont rien qui leur bouche la vue ! Dans leur vie d’errance, nocturne souvent, c’est leur regard qui explore le plus fréquemment la voûte céleste de la nuit et son mystère.

Citation ici des plus grands prix Nobel qui sont des exclus radicaux : Frans Emil Salam Pao, « Sainte Misère », Knut Hamsun, « La Faim », la chinoise Mo Yan, «  La Solitude et la Faim ont nourrit ma Création », Josée Saramago.

Et une question lancinante : pourquoi les pouvoirs sociaux combattent-ils les pauvres plutôt que la pauvreté ?

La peur des pauvres ressentie par le « Système » vient du fait qu’ils n’ont rien à perdre  et peuvent donc se révolter!

Nous suivons un moment les pas d’un jeune activiste de l’Histoire, un jour du temps à Nazareth. Nous portons en nous l’idée que trop de richesse détruit la conscience et qu’il n’est donc pas bon que la surabondance des uns se fasse au détriment des autres.

Pédagogie de la joie : pour ceux qui sont dépouillés de tout, la joie est une nécessité aussi grande que l’air qu’on respire.

Jean Bédart nous invite à suivre les pas d’une personne très pauvre de notre temps et l’accueil que sa compagne et lui, lui réserve dans leur ferme…  « une expédition dans des zones de l’âme que nous n’avions jamais osé affronter , la rencontre de nos vies de « chochottes » un peu bourgeoises avec une personne tombée au fond du puits »…Merci Jean d’incarner votre propos par un témoignage fort d’images intemporelles, la plongée dans une belle nature, le puits, l’artiste, la création d’une image qui redonne dignité et sens à la vie, la joie qui naît de la rencontre et qui sauve parce que la confiance revient au sein même de la vie de souffrance et de combats.

Une invitation pressante à partir au combat contre la pauvreté parce que tout être humain a pour principal besoin d’être une source de joie, et d’être reconnu comme tel.

« Aigles ou tortues nous sommes tous égaux devant les grands infinis : le ciel étoilé, la beauté d’un cheval au galop, le puits qui se trouve au fond de notre âme, le mystère de la mort et celui de notre liberté. »

Jean imagine la rencontre du pauvre qui possède la joie mais qui ne le sait pas et de celui qui a soif de cette joie et qui est capable de la reconnaître, catalyse entre les pauvres et ceux qui ont besoin du visage des pauvres.

Ce fut l’intuition de Joseph Wrésinski et l’œuvre de toute sa vie, lui qui fut si pauvre dans sa jeunesse, lui qui rejoignit les pauvres de Noisy, qui a réfléchi leur beauté et leur dignité.

« C’est la beauté, le moteur du monde ». Une rencontre et la solidarité amorce sa grande marche transformatrice. La lutte contre le saccage de la nature et la lutte contre la pauvreté sont une seule et même lutte. Conviction partagée avec force. Merci !!

C’est cela que Jean Bédard développe dans son nouveau dernier livre « un Réfugié de campagne » présenté à cette occasion.