Ouagadougou : de l’humiliation à la participation
Lors des Rencontres à la Cour, qui ont lieu chaque mois à Ouagadougou, au Burkina-Faso, les mots peuvent changer le monde.
« Quand on vient participer aux Rencontres à la Cour, certains se moquent de nous, ils disent qu’on n’y gagne rien. Pourtant c’est le contraire. On voit que ce n’est pas humiliant, qu’on ne se rabaisse pas en venant ici. »
Mme Bintou est fidèle depuis des années aux Rencontres à la Cour : « Ça nous aide à dormir en paix et ça nous encourage ».
Les récentes rencontres portaient sur les difficultés d’accès aux papiers d’identité des personnes en grande précarité. Pourquoi souvent les plus pauvres n’ont pas de papiers ? A quelles difficultés sont-ils confrontés pour y avoir accès ? Comment vit-on sans papiers ? Les personnes qui vivent la grande pauvreté se sont dans un premier temps rassemblées pour exprimer leurs idées ce thème, puis ont rencontré le chef de service de l’état civil et le président du tribunal de l’état civil d’un arrondissement de Ouagadougou.
Ce n’est pas par négligence que les très pauvres n’ont souvent pas de papiers. Il y a toutes sortes d’obstacles : « J’ai peur d’aller au commissariat. J’ai peur que le policier m’humilie. » « Si tu as les moyens on va faire vite pour toi, sinon on te dit « reviens demain » et fatigué, tu n’y iras plus. » « C’est gênant de se présenter au tribunal où tout le monde te regarde. »
Ne pas avoir de papiers a des répercussions graves sur la vie quotidienne : « Tu as toujours peur quand tu te déplaces » « Tu ne peux même pas aller au village ! » « Tu n’as pas de liberté ! » « Tu ne peux pas passer d’examens » « Si tu as un accident on ne sait pas qui tu es. » « On se fait arrêter, racketter. » « C’est impossible d’inscrire tes enfants à l’école. »
Les deux invités ont écouté les participants et expliqué les lois et les démarches à effectuer pour obtenir des papiers. Les échanges ont été riches.
Cette réunion a permis une véritable rencontre entre des personnes qui ne s’assoient jamais ensemble. Le président du tribunal d’État civil s’est étonné : « J’ai appris beaucoup de choses ce matin », avant qu’un militant ne conclue : « C’est parce qu’on ne s’assoit pas ensemble qu’on ne se comprend pas. »
Les rencontres à la Cour, c’est un chemin pour aller vers d’autres qui se construit dans la durée :
« Nos réunions sont spécifiques. On ne donne pas aux invités un ordre à appliquer. C’est convaincre le cœur, c’est long, mais c’est pour un changement »,
explique un membre de l’équipe de préparation.
Encouragés par ces rencontres, les membres du mouvement préparent des prises de paroles pour le 17 octobre, journée internationale pour l’élimination de la pauvreté : passer de l’humiliation à la participation, c’est ce qu’ils font chaque mois lors des Rencontres à la Cour !