La Bibliothèque de rue, c’est quoi?

Une BdR c'est quoi?

La Bibliothèque de rue :

Dites-moi c’est quoi une bonne fois pour toutes!

Je suis la première à considérer avoir une conception fixe de la BdR. C’est normal parce que ça me sécurise. Je sais quel est le plan, quels sont les livres. Mais la Bibliothèque de rue d’ATD n’est pas un schéma sculpté dans la pierre, scellé par la royauté et intouchable sur son piédestal.

La Bibliothèque de rue se transforme. Venant de Dakar, j’avais l’habitude d’introduire des petits mémos techniques durant l’activité, d’expliquer comment bien tenir un crayon de couleur et un pinceau. C’est entre autre de là que me vient l’habitude de toujours faire tourner les pages du livre par l’enfant qui est avec moi. Pour quelqu’un qui a connu l’activité il y a sept ans, il se souviendra d’une BdR centrée sur la créativité dans le parc, alors que l’hiver dernier, c’était autour du livre dans les cages d’escalier.

À Montréal, nous faisons toujours une sélection de livres avant la BdR. On essaie de les choisir pour leurs images, leurs histoires, et les intérêts des enfants. Alors comment porter ces livres à ceux qui n’ont pas grandi avec une histoire avant de s’endormir? Plus les enfants s’approchent du secondaire et moins ils sont intéressés. Il y a le risque que la pression sociale les traite de nerds ou de bolés. Certains lisent mais n’y comprennent rien parce que c’est difficile d’associer les sons avec les mots. Et d’autres refusent de passer un après-midi à faire une activité trop étroitement liée au souvenir négatif de l’école. Sans oublier que les journées ensoleillées sont beaucoup trop belles pour se concentrer sur une histoire alors qu’il y a des jeux d’eaux et des modules dans le parc.

Mon équipe cette année a dû affronter un désert d’intérêt chez les enfants. On a donc ajouté des jeux interactifs. Maintenant ils courent à notre rencontre et s’offrent pour aller inviter leurs amis ou nous proposer de nouveaux jeux. Et puis, on n’oublie pas le livre même si on fait quelque chose d’un tout autre domaine. Par exemple, on l’utilise dans nos activités sportives. Le voleur doit voler le livre, les policiers doivent le protéger. Et c’est parti, la game a commencé! Et quand on est tous essoufflés, on annonce une pause autour des livres.

On n’arrête pas de dire qu’on lit les livres avec les enfants qui en ont envie. Mais on est libre de les y encourager. Ce n’est pas parce que c’est facultatif qu’on doit être passif, on veut juste éviter une agressivité excessive. Passer un temps de vie avec eux, voilà ce qui est important.

La bibliothèque respire grâce au livre, sauf que tout seul il est plate. On doit s’appliquer sur l’atmosphère : comment on interagit avec? Comment on le transmet? On veut pouvoir entendre les enfants. Pour moi, c’est autant important de les entendre se plaindre que d’aimer un livre. Les deux discours sont tout aussi pertinents. Du moment qu’ils participent, c’est pour moi un moment parfait.

Bibliothèque de rue

Tous les sujets sont une bonne occasion d’être en relation. Discuter, parler de films, poser des questions banales, connaître leurs requêtes de livres. On est avec eux, parce qu’ils en valent la peine, parce qu’on les voit et qu’on les écoute. On veut être là pour avoir une influence positive sur leurs vies. C’est sûr qu’on se base sur le livre, parce que c’est un média qui est épanouissant et qui brille dans tous les domaines d’intérêts, mais ce ne doit pas devenir une contrainte. Tout comme on ne doit pas les forcer à lire pour être parmi nous. C’est terriblement plaisant de prendre un moment de recul et apprécier que deux filles soient absorbées par leur livre, que le petit frère passe d’une page de couverture à une autre avec curiosité tout en laissant trois ados discuter près de nous. Et puis les jeunes vont et viennent. C’est la magie de la BdR. Ils sont libres de venir selon leur humeur. Personnellement, j’apprécie qu’il n’y ait pas de pression.

Parmi l’équipe de la bibliothèque de rue, il suffit d’être soi-même, passionné dans ce qu’on est passionné, déçu quand on l’est et toujours bienveillant et compréhensif. Être là dans notre timidité ou notre flot de parole, ainsi les enfants s’identifient à nous. Nous apportons tous un peu de nos passions au travers des discussions, des jeux et des créations de groupes, ce qui pousse toujours la BdR à évoluer pour le mieux et à se réinventer.

Marianne Marineau