Contempler chacun, partager ensemble

Contempler chacun, partager ensemble

Marie Charlotte Franco, muséologue et amie d’ATD Quart Monde

Marie-Charlotte Franco,
muséologue et amie d’ATD Quart
Monde, revient ici sur sa
participation à la rencontre du 6
avril 2019 au Musée des beaux-arts
de Montréal.

 

Aller au musée est toujours une expérience. Certaines personnes d’ATD l’avaient déjà vécue avec moi au Musée McCord et au Musée des beaux-arts de Montréal pendant l’année 2018. Ces deux moments avaient été emplis de découvertes, d’échanges, de savoirs, partagés ensemble. Lorsque l’équipe d’ATD m’a proposé de revivre cette expérience au Musée des beaux-arts de Montréal, avec un groupe plus grand, je n’ai pas hésité une seconde. Faire découvrir les musées et les œuvres est un plaisir qui m’enchante à chaque fois.

Il y avait foule ce samedi 6 avril 2019 dans la Ruche du Musée des beaux-arts. Militants, alliés, volontaires étaient heureux de se retrouver dans ce lieu lumineux à l’énergie créatrice. L’équipe m’avait proposé quelques jours plus tôt de présenter l’activité à tous les participants.

L’objectif n’était pas de faire une visite guidée classique, mais bien que chaque participant guide les autres membres du groupe à travers ses coups de cœur et ses intérêts.

À la question : qui n’est jamais allé au musée ou au Musée des beaux-arts, plusieurs mains s’étaient levées. Quel beau cadeau de découvrir ensemble, sans jugement et de prendre le temps de contempler afin de s’approprier le lieu ! Je rappelai alors à tous l’idée que ce n’était plus le Musée des beaux-arts de Montréal, mais bien mon Musée des beaux-arts. Dans chaque salle visitée, nous étions tous invités à prendre le temps de parcourir les œuvres et nous imprégner des histoires, des couleurs, des textures, des formats. Puis, nous nous réunissions autour des œuvres préférées de quelques-uns.

L’idée était d’échanger autour de ce que chacun aimait, avec ses mots et sa sensibilité. Rapidement, on se rendait compte que nous n’aimions pas les mêmes œuvres, mais que cet échange en groupe nous permettait de mieux apprécier ce que les autres trouvaient beau et intéressant.

En n’étant pas dans l’obligation de tout voir, mais en proposant plutôt de s’arrêter devant les tableaux ou les sculptures qui nous touchaient le plus, nous n’avons pas vécu l’expérience comme une obligation un peu scolaire, mais avons ressenti une proximité avec ce que nous aimions et avons pu partager ensemble nos sentiments.

Dans mon groupe, nous sommes allés à la rencontre de l’art autochtone. Une salle entière est consacrée à l’art inuit alors que les autres œuvres, historiques et contemporaines, sont disséminées aux autres étages nous permettant de les découvrir par surprise. Face aux sculptures inuites, nous sommes restés beaucoup de temps. Tout le monde était émerveillé et touché par les sujets représentés. Dans les discussions, plusieurs personnes ont pointé l’importance de la maternité et de la transmission aux enfants ainsi que le rapport à la nature à travers les matériaux utilisés et les scènes représentées. Je me rappelle même qu’une femme a dit sentir l’âme de la pierre et de l’artiste qui l’a sculptée. C’est très fort ! Dans les autres salles, les participants ont été happés par la lumière, les formes et les couleurs dans les tableaux. Les yeux pétillaient et c’était difficile de changer de salle tellement nous aimions nous perdre dans les paysages et les scènes de la vie quotidienne. Plusieurs ont reconnu certaines histoires. Lucie m’a raconté en détail l’histoire de Moïse et la fuite d’Égypte devant un tableau qui le représentait. Les deux heures de visite sont passées très vite, même trop vite d’après le partage de fin de journée.

L’activité en après-midi à l’atelier créatif de la Ruche d’art, proposée par Louise Giroux qui travaille au musée, partait de la question « Un moment de bonheur c’est quoi ? ». Cela nous a permis d’expérimenter à notre façon des techniques et d’exprimer notre sensibilité comme nous le souhaitions. Les œuvres créées reflètent encore une fois toute la palette des émotions, des goûts, des formes et des couleurs qui existent et qui peuvent cohabiter ensemble.

De cette journée entière au Musée des beaux-arts, je retiens deux choses fondamentales et qui ne cesseront jamais de m’habiter.

L’importance de l’accès à la culture et aux musées pour tous et ensemble. L’entrée au musée est parfois intimidante et c’est un sentiment tout à fait normal. Ensemble, la porte à pousser est moins lourde.

Marcher dans les salles et contempler les œuvres devient aussi un plaisir qu’on peut partager. Enfin, je n’oublierai jamais les paroles de France, militante : tout le monde a droit au beau !