Décès de Phil Barbier

Par Le comité d’administration du mouvement au Canada et la Délégation générale du Mouvement international ATD Quart Monde.

Notre ami Philippe Barbier nous a quittés ce dimanche 1er juillet des suites d’un cancer. Nous avons été privilégiés de l’avoir à nos côtés au cours des deux dernières années ici au Québec. Phil et Françoise, volontaires du Mouvement ATD Quart-Monde, avaient rejoint l’équipe de Montréal en août 2016.

Phil avait 26 ans lorsqu’il a rejoint le Mouvement en 1985, après quelques années de travail comme éducateur auprès de jeunes dans le dernier lieu où il avait été placé à Mons, en Belgique, son pays. Seul et puis avec Françoise, volontaire et passionnée de créer des liens qui libèrent de la misère, comme lui, Phil a ainsi fait route avec beaucoup de gens, à Lille, à Reims, à Dakar, au centre international du Mouvement, à Frimhurst, à Bruxelles et Liège, à l’Île de la Réunion, à Dublin, à Montréal…

Certains on pu faire sa connaissance lors d’événements internationaux où il a proposé de participer à des ateliers de fils de fer. Phil était passionné de faciliter et de soutenir la rencontre, c’était un de ses moteurs ! Et c’est ce qui le poussait à créer, à inviter à créer ensemble.

A Varsovie, lors d’une grande rencontre européenne du Mouvement, il a proposé et animé des espaces de rencontre et de création pour que les participants, venant de milieux et de pays si divers et souvent qui s’ignoraient, puissent commencer à dire qui ils étaient vraiment et expriment une chose importante pour eux. Phil était en recherche permanente, il expérimentait des chemins pour créer les conditions d’une découverte réciproque qui n’enferme pas dans les mots, qui peuvent parfois blesser et faire taire. Il voulait que chacun puisse se dire jusqu’au bout, avec son histoire unique, inclassable. Il savait que l’on peut parfois trop vite croire que l’on a compris l’autre et l’interrompre dans ce qu’il cherche à nous dire.

Phil a mené des centaines d’ateliers de fils de fer, dans différents pays. En Suisse, à partir de cailloux envoyés par des enfants Tapori du monde entier, il a créé avec des membres du Mouvement, une sculpture « Mon cœur est dans ce cailloux », qui est toujours exposée au siège du Haut-Commissariat des droits de l’homme, à Genève.

Phil avait appris il y a quelques mois qu’il souffrait d’un cancer, et même s’il était à une étape très avancée de celui-ci, il a voulu continuer à travailler et à faire équipe avec les autres tant qu’il le pouvait tout en se battant contre la maladie. Jusqu’au bout il a cru dans la vie. Il restait attentif aux personnes rencontrées à l’hôpital ou sur le chemin pour s’y rendre, et intéressé de partager avec elles. Lors de ses premiers séjours à l’hôpital, il mettait tant de vie autour de lui que certains doutaient qu’il soit un patient. Ces dernières semaines, Phil savait l’issue inéluctable, mais même alors il restait passionné par les nouvelles du Mouvement et par ce que deviennent les personnes qui y sont engagées. Dans chaque conversation avec ceux qui lui rendaient visite à l’hôpital, il partageait aussi sa réflexion sur ce qui nous fait vivre, ce qui nous fait nous bâtir en tant que personne même dans des situations inhumaines.

Phil continuait aussi de poursuivre le rêve d’aller à la découverte des peuples amérindiens et Françoise et lui avaient déjà établi différents contacts. Alors qu’il était à l’hôpital, les membres du Mouvement au Québec ont vécu ensemble une belle session de l’Université populaire guidée par une personne des Premières Nations autour de leur Histoire.

Phil avait le projet de terminer un livre sur son enfance et sa jeunesse en institution, sur la violence extrême qu’il avait vécue mais aussi sur la façon dont il s’était construit envers et contre tout en traversant sa vie. Phil ne voulait pas seulement offrir un témoignage mais aussi la réflexion qu’il tirait de cette expérience, la transmettre à Amélie, Sophie et Zoé, à Françoise, à tous ceux qui l’aiment et aussi à tous ceux qui luttent contre la pauvreté et l’exclusion chaque jour. Avec ce livre, Phil voulait continuer à nous transmettre sa passion de provoquer et de réussir la rencontre, de surmonter l’exclusion qui est la peur de l’autre, de continuer à bâtir un Mouvement de personnes.

Les adieux à Phil se vivront à travers plusieurs rassemblements, à Montréal, Mons – la ville où il est né – , et Méry-sur-Oise.